Immobilier : Coup d'oeil dans le rétroviseur et dans la boule de cristal
Publié le:06.11.2024Immobilier : Dans le rétroviseur et la boule de cristal
La Suisse fait face à une demande immobilière intense, principalement en raison d'une forte immigration. Cependant, l'offre peine à suivre en raison notamment de contraintes réglementaires qui limitent les nouvelles constructions. L’analyse de ce déséquilibre permet d’identifier les éléments pertinents pour étayer les perspectives d’évolution du marché.
Regard dans le rétroviseur
Depuis la crise financière de 2008, les taux d’intérêt historiquement bas ont favorisé l’accession à la propriété, entraînant une hausse significative des prix dans certaines régions. Parallèlement, l’immobilier est devenu une option d’investissement attrayante dans un contexte où la rémunération d’autres classes d’actifs restait faible. Pour limiter le risque de surchauffe, les autorités ont introduit des conditions plus strictes pour l’octroi de crédits hypothécaires dès 2014. Ces mesures ainsi qu’une suroffre sur certains segments ont marginalement freiné la progression des prix pendant quelques années. En 2018, le maintien de la politique de taux négatif de la BNS a participé à l’augmentation de la demande pour les biens immobiliers de rendement ou en usage propre. Cette décision, conjuguée à une offre insuffisante dans certaines régions, a débouché sur une dynamique haussière des prix. La pandémie de 2020 a intensifié la demande immobilière, notamment dans les zones périurbaines, rurales et touristiques qui ont vu leurs prix grimper. En réponse à l'inflation grandissante, la BNS a relevé son taux directeur. Cela a freiné l’accès au crédit, réduisant la demande et entraînant une stabilisation des prix, voire une diminution. Cependant, la production de logements a ralenti (2023 ayant enregistré l’un des taux les plus bas en 20 ans). Parallèlement, la population a continué de progresser (+1% par an en moyenne) avec un pic historique en 2023 dû à une immigration ukrainienne accrue (+1.7%).
Les conséquences du déséquilibre
Ces dynamiques ont conduit à un taux de logements vacants en 2024 de 1,08 % en Suisse et de 1,43 % en Valais, en dessous du seuil d’équilibre de 1,5 %. Cette situation a induit une hausse moyenne des prix de la propriété en Suisse de plus de 25% en 5 ans (source : Fahrländer Partner FPRE). La progression des prix est toutefois en ralentissement depuis 2022. Sur le marché locatif, les mécanismes à l’œuvre sont un peu différents, mais le résultat est le même avec une croissance moyenne des loyers en Suisse d’environ 8% sur les 12 derniers mois (touchant plus fortement les appartements neufs). En Valais le constat est identique tant pour la propriété que la location.
La boule de cristal
Alors que la demande devrait rester soutenue en Valais comme dans le reste du pays, plusieurs défis apparaissent pour les années à venir. Le premier enjeu est la construction de nouveaux logements. En 2024, les permis de construire pour les logements locatifs ont baissé dans le canton, ce qui pourrait aggraver la tension sur le marché à court terme. Cette situation contraste avec Vaud et Genève où l’on observe un regain des projets de construction. Simplifier et accélérer les démarches d’obtention de permis de construire s’avère donc crucial pour faciliter les mises en chantier. Un autre enjeu portera sur la transition énergétique. Avec l’accroissement probable des contraintes liées aux nouvelles normes en matière d’efficience énergétique, de nombreux propriétaires se trouveront face à la nécessité d’assainir leurs biens. Toutefois, la pénurie de main-d’œuvre et la hausse des coûts de construction rendent ces travaux de rénovation complexes et coûteux. Un équilibre devra être trouvé pour que ces rénovations puissent bénéficier tant aux propriétaires (subventions, hausses des loyers nets) qu’aux utilisateurs (baisse des coûts d’énergie). Enfin, bien que les taux hypothécaires aient légèrement baissé en 2024, leur variation future dépendra en grande partie des évolutions macro-économiques et influencera indéniablement les mouvements sur les marchés de la propriété et de la location. A noter encore l’entrée en vigueur en 2025 de nouvelles règles en matière d’octroi de crédit qui auront un impact sur les acteurs de l’immobilier en Suisse. La capacité à anticiper l’évolution de ces facteurs d’influence sera cruciale pour orienter efficacement le marché immobilier dans les années à venir.
Grégoire Crettaz
Vice-président USPI Valais
Titulaire du brevet fédéral d’expert en estimations immobilières
Economiste d’entreprise HES